L’autre côté de la montage

Exposition personelle.

La Maison des Arts, Aime-La-Plagne. 24 juin – 5 août 2022.

THE OTHER SIDE OF THE MOUNTAIN est le titre d’une comptine pour enfants. L’histoire d’un ours curieux qui entreprend d’escalader une montagne pour voir tout ce qu’il y a à voir. A la fin de la chanson, la seule chose que l’ours découvre, c’est l’autre côté de la montagne. Les enfants reçoivent bien sûr cela en toute innocence, mais il y a un courant humaniste (voire politique) sous-jacent, car les montagnes et les rivières sont souvent utilisées comme frontières. Au final, le petit ours, le héros de cette histoire, découvre que tout est pareil, qu’il n’y a pas de différence essentielle…

The bear went over the mountain (répéter x3)
To see what he could see (répéter x3)
The bear went over the mountain (répéter x3)
To see what he could see

The other side of the mountain (répéter x3)
Was all that he could see (répéter x3)
The other side of the mountain (répéter x3)
Was all that he could see

David Michael est né et a grandi sur la côte sud de l’Angleterre. Lorsqu’il a eu l’âge de quitter la maison de ses parents, il est allé étudier à Glasgow School of Art, en Écosse. Ce fut dans l’ensemble une période heureuse et productive, mais lorsqu’il atteignit l’âge de trente ans, ses pieds commencèrent à le démanger à nouveau et il sentit qu’il devait repartir à la recherche de quelque chose de nouveau. C’est ainsi qu’en 1999, DMC (comme il est souvent appelé) est arrivé en France avec le même sentiment de curiosité que l’ours. 

« La curiosité est l’une des qualités les plus essentielles pour un artiste. Sans elle, l’art n’existerait pas. La curiosité est la motivation qui nous pousse à aller regarder quelque chose de plus près. Elle nous conduit à l’observation, à l’acte de voir. En tant qu’artiste, avant de commencer à faire quoi que ce soit, nous regardons le monde qui nous entoure et, ce faisant, nous établissons un point de vue. »

Même si DMC affirme qu’il n’a vu aucune différence essentielle, qu’il y a du bon et du mauvais partout, que les gens sont fondamentalement les mêmes, il a découvert une pléthore de différences culturelles qui se sont construites au fil du temps et se manifestent aujourd’hui à travers la langue, la littérature, l’art et la musique.

DMC est un artiste complexe. Il a clairement un intérêt pour l’architecture et le design modernes. Il dit d’en avoir hérité de son premier professeur d’art, qui lui a parlé de Le Corbusier. Plus tard, à l’école d’art, il s’est familiarisé avec Fluxus et s’est progressivement intéressé à la performance et aux pratiques collectives. D’un côté, il défend une approche conceptuelle, ce qui signifie qu’il est pour un art qui remet en question l’art lui-même. D’un autre côté, il nie être un puriste, affirmant qu’il s’intéresse tout autant aux autres et à la vie en soi. DMC estime que ce paradoxe central est un terrain fertile pour la création artistique, notant qu’il a été identifié pour la première fois par Robert Filliou lorsque il a dit,

« L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. » 

Plus récemment, nous avons vu apparaître d’autres aspects dans le travail de DMC, notamment la musique, des chansons qu’il écrit avec ses étudiants ou d’autres artistes qu’il rencontre au cours de ses voyages, et des dessins réalisés sur ordinateur à l’aide de logiciels de graphisme vectoriel. 

En 2019, DMC a été invité par la Fondation Facim à concevoir B-ROADS, une application smartphone ayant pour but de faire découvrir l’art baroque savoyard à un jeune public. Pour se documenter, il a sillonné les villes et villages de la vallée de la Tarentaise sur sa moto et a appris à connaître la vie dans les Alpes et les saints patrons qui ont été évoqués pour protéger les populations locales au fil des siècles. De nombreuses sculptures que l’on peut (re)trouver dans les églises d’Aime-La-Plagne, La Plagne Tarentaise ( La Côte d’Aime, Macot et Valezan), et de Landry ont été incluses dans cette application géo-localisée.

Les images auraient pu rester virtuelles, destinées à jamais à l’écran de poche. Cependant, pour DMC, cette exposition semblait être le moment fortuit pour imprimer certaines de ces images afin de voir comment elles fonctionnaient à plus grande échelle. Aussi, si pour la conception de l’application B-ROADS, DMC s’en est tenu au thème baroque, il a également voulu saisir l’occasion de sortir des contraintes de la commande et mélanger l’iconographie baroque avec des images venues d’ailleurs.

« Je suppose que je dois un peu cette approche aux artistes du Pop Art, ou Nouveau Réalisme comme on l’appelle en France. Dans les années 1960, ils ont vraiment brisé la hiérarchie culturelle. Aujourd’hui, les artistes n’hésitent pas à essayer de nouvelles recettes. Les idées nobles sont traduites par des techniques commerciales. Les idées jetables sont travaillées méticuleusement par des artisans. »

Ainsi, l’exposition THE OTHER SIDE OF THE MOUNTAIN peut être considérée comme une sorte de paysage de rêve surréaliste, où le baroque rencontre le Brexit, les pirates côtoient les pieux, et Hitchcock retrouve l’Helvetica.

Texte : Marie-Laure Bazzani & David Michael Clarke.